Charbel Nahas et Marwan Iskandar s'accordent sur la nécessité d'entamer en premier lieu et dans les plus brefs délais un vaste chantier de réformes visant à résoudre le problème chronique de l'approvisionnement en courant au Liban, devenu « une urgence sociale et financière à laquelle il est devenu difficile d'échapper ».
Outre les pertes directes sur le plan budgétaire (le déficit de l'EDL ayant coûté 1,6 milliard de dollars au Trésor en 2008), l'état actuel des choses retarde de surcroît l'évolution de l'économie et affecte largement la qualité de vie des citoyens, soulignent les deux économistes. Un règlement immédiat du problème est toutefois impossible, la construction d'une nouvelle centrale, à titre d'exemple, nécessitant en moyenne cinq ans. Le prochain cabinet devra donc du moins amorcer le processus en mettant en place une feuille de route comportant les diverses étapes à suivre, d'autant plus qu'une grave détérioration de la situation se profile à l'horizon ; avec une production de 1 500 mégawatts et une consommation de 2 200 mégawatts, le Liban vit aujourd'hui au rythme d'un déficit énergétique de 700 mégawatts, qui risque en effet de se creuser davantage et atteindre 1 700 mégawatts d'ici à 2014 si aucune action d'envergure n'est prise, estime une étude récemment élaborée par le ministère de l'Eau et de l'Énergie. Les heures de rationnement dépasseraient dans ce cas les 14 heures par jour.
Pour Charbel Nahas, « un plan national devra ainsi porter en premier lieu sur une augmentation de la capacité de production », considérée comme l'obstacle majeur à un approvisionnement 24h/24. Celle-ci pourrait avoir lieu à travers la mise en place de nouvelles centrales et/ou l'optimisation de l'exploitation de certaines centrales déjà existantes, comme celles de Beddawi et Zahrani, estime pour sa part Marwan Iskandar. Selon lui, ces deux centrales, conçues pour fonctionner au gaz naturel, « un combustible moins cher et moins polluant, ont en effet une capacité de production de 900 mégawatts, soit 40 % de la consommation locale ». Or, depuis leur instauration au milieu des années 90, elles « n'ont fonctionné qu'au mazout, faute d'approvisionnement en gaz naturel, et à hauteur seulement de 30 % de leur capacité optimale », indique-t-il.
« Parmi les autres solutions à court terme, figurent également la conversion des autres centrales au gaz naturel et l'achèvement de la construction du réseau de haute tension », ajoute Marwan Iskandar, qui estime à 18 % de la production nationale les pertes dues à l'usage du réseau de basse tension. Si pour l'économiste, la privatisation de certaines branches de l'EDL (notamment celles de la production et de la collecte de factures) devait toutefois suivre cette restructuration « qui nécessite au moins 3 ans », pour Charbel Nahas le secteur devrait rester dans sa totalité aux mains de l'État. Selon lui, il serait « peu judicieux de privatiser un secteur qui, au Liban et dans la région, est structurellement subventionné ». « Cela impliquerait par exemple que l'unité privée de production soit assujettie à un contrat avec comme seul client l'État, et que ce dernier soit acculé à vendre l'électricité à un prix plus bas que le prix d'achat », explique-t-il.